Ce travail explore les mécanismes des technologies de reconnaissance faciale utilisées par le gouvernement chinois pour surveiller et opprimer les habitants de la région ouïghoure du Xinjiang.
Il s’intègre dans une série de trois chapitres distincts (The Ministry of Privacy, the Ministry of Love et the Ministry of Truth) qui documentent les différentes facettes de l’oppression chinoise.
Les titres, directement extraits du roman 1984 de George Orwell, entendent attirer l’attention sur l’effrayante ressemblance entre la situation actuelle dans le Xinjiang, et les stratégies de contrôles de populations imaginées dans le roman dystopique d’Orwell.
Le jury a apprécié la démarche résolument engagée de Maxime Matthys et la façon dont le photographe transpose, sur ses images de rue réalisées en cachette des autorités locales, les résultats des logiciels de reconnaissance faciale utilisés par Pékin.
Depuis plus de deux ans, La Chine mène une politique de répression sans précédent contre les minorités ethniques musulmanes du Xinjiang, une région située à l’extrême ouest du pays.
Plus d’un million d’Ouïgours, de Kazaks et d’autres minorités ont été envoyé dans des «centres de rééducation» où ils sont quotidiennement soumis à la torture, à l’endoctrinement politique et au harcèlement. En février 2019, une importante fuite de données a révélé qu’une société de reconnaissance faciale chinoise - SenseNets - traque en permanence la localisation de plus de 2,5 millions de citoyens musulmans dans le Xinjiang. Cette fuite confirme que des technologies de surveillance avancées sont déployées massivement dans la région afin de surveiller le moindre mouvement des habitants.
2091 est un travail photographique en cours composé de trois chapitres distincts (The Ministry of Privacy, the Ministry of Love et the Ministry of Truth) qui documentent les différentes facettes de l’oppression Chinoise dans la région du Xinjiang. Les titres de ce projet, directement extraits du roman 1984 de George Orwell, attirent l’attention sur l’effrayante ressemblance entre la situation actuelle dans le Xinjiang, et les stratégies de contrôles de populations imaginées dans le roman dystopique d’Orwell.
2091 - The ministry of privacy explore les mécanismes des technologies de reconnaissance faciale utilisées par le gouvernement chinois pour surveiller et opprimer les habitants de la région. Les photographies ont été réalisées à Kashgar, l’un des derniers bastions de la culture ouïgour du Xinjiang, et probablement la ville la plus surveillée du territoire. Les images ont ensuite été téléchargées sur différents logiciels de reconnaissance faciale, similaires à ceux utilisés par le gouvernement chinois. Les systèmes d’exploitation ont alors opéré à la reconnaissance faciale des habitants apparaissants sur les photographies et exporté leurs informations biométriques respectives sur leurs visages. Selon le logiciel, certaines sont affichées sous forme de points rouges - appelés Landmarks- d’autres en utilisant le diagramme de Delaunay, une alternative pour cartographier les informations biométriques sur les visages.
À travers ce processus et cette approche post-documentaire, 2091 - The ministry of privacy expose le caractère intrusif de cette technologie jusqu’alors invisible, et la menace qu’elle représente pour les habitants du Xinjiang. Les photographies brouillent les frontières entre réalité et virtualité tout en documentant et en rendant hommage aux derniers vestiges de la culture Ouïgour, avant sa disparition programmée par le gouvernement.
Travailler dans le Xinjiang en tant que photographe est extrêmement difficile. Au cours de mon séjour à Kashgar en Février-Mars 2019, j’ai été harcelé et intimidé à de nombreuses reprises par la police. J’ai notamment subi plus de 7 arrestations durant chacune plusieurs heures, certaines au poste de police, et été réveillé au milieu de la nuit pour subir des interrogatoires. À partir du 2ème jour sur place, j’étais suivi nuit et jours par des policiers en civil. Je souhaite maintenant me rendre dans d’autres villes du Xinjiang (Urumqi, Hotan, Altay) pour continuer à documenter le quotidien de ces populations et donner à voir la façon dont les technologies de surveillance de masse sont utilisées comme outil de répression.
Maxime Matthys est né en 1995 à Bruxelles, il vit et travaille entre Paris et Toulouse. Il développe une pratique artistique qui fait intervenir la photographie, la performance, l’installation, la vidéo et le son. Son travail se concentre sur l’impact de la technologie dans notre vie quotidienne et sur la manière dont celle-ci modifie notre perception de la réalité.Il s’attache à rendre l’invisible perceptible en jonglant avec les codes de la photographie documentaire, et en les confrontants à ceux propres aux approches plus scientifiques ou conceptuelles. En imaginant de nouveaux langages, fruits de collaborations avec des scientifiques et des artistes, il documente les phénomènes qui incarnent les grands enjeux de notre société. Prenant la forme de séries photographiques variées, mais aussi de performances filmées, il exhibe la face cachée des nouvelles technologies, et s’y confronte parfois avec militantisme.
Pour Maxime Matthys, ces différents médiums sont avant tout des outils qui permettent de documenter les phénomènes de notre époque en les mettant en forme de manière percutante et efficace.Lauréat du prix pour la jeune photographie ImageSingulière et lauréat du prix Libération pour la photographie, son travail a notamment été diffusé à la Maison Européenne de la Photographie (MEP), à l’école de Design Camando - Paris, à Photozoom Festival - Canada, à Insumatra PhotoFestival - Indonésie, et à Kuala Lumpur Photo Awards - Malaisie. Son travail a notamment fait l’objet de publication sous forme de portfolio dans Le Monde, Libération, Fisheye Magazine, Le Point, ArtInfo, La Croix, L’Obs, France Inter, Philosophie Magazine, Le vif, Moustique Magazine, etc.