Le Grand Prix ISEM 2019 a été attribué à l’unanimité à Romain Laurendeau pour son projet « Mister Nice Guy » traitant des ravages du cannabis de synthèse auprès des jeunes habitants des territoires occupés.

Au delà de la force des premières images présentées, c’est l’angle particulièrement original choisi par Laurendeau pour nous parler du conflit Israelo-paletinien et l’implication totale qu’il nous a habitué à s’imposer dans ses projets qui a convaincu le jury. Ce dernier a été particulièrement sensible à la volonté exprimée par le photographe (déjà remarqué pour son travail sur la jeunesse algérienne avant même la révolution d’avril 2019) de sortir de l’ombre cette génération sacrifiée dans un conflit pourtant ultra médiatisé.

Romain Laurendeau a, avec ce prix, mené à bien un projet « qui raconte l’importance et l’impact de la drogue sur la jeunesse d’Israël et des Territoires occupés. Une autre façon de raconter le conflit et son absurdité, dans une démarche résolument humaniste. »

Quatre autres projets ont été salués par le jury :
Marion Gronier, pour sa série American Monuments, portraits des communautés descendantes des peuples fondateurs des Etats-Unis d’Amérique.
Scarlett Coten, pour sa série Plan américain, sur la masculinité aux Etats-Unis.
Nicola Bertasi pour son travail sur les conséquences de l’Agent Orange au Vietnam
et Julien Chatelin pour sa série Promised Land.

Israéliens et palestiniens vivent côte à côte, parfois entremêlés mais toujours dans des espaces cloisonnés. Presque tout les différencie et pourtant, ces dernières années, la consommation de drogue n’a cessé d’augmenter des deux côtés.

Ces toxicomanes semblent être de plus en plus jeunes et ils ont tous, ou presque tous, été confrontés à la dernière drogue en vogue. Le Mister Nice Guy est un cannabis de synthèse 50 à 100 fois plus puissant que la marijuana et bien plus dangereux. Il se présente sous forme d’herbe sur laquelle ont été pulvérisés des produits divers : acétone, pesticides, speed et parfois même de la mort au rat. Le shoot est court et violent et l’addiction peut devenir immédiate. Les conséquences sur la santé sont désastreuses : problèmes de rein et de foie, malaises, états psychiques délirants et paranoïaques, dépression.

Le Mister Nice Guy est d'abord entré discrètement dans les Territoires Palestiniens Occupés via Israël où il est resté légal jusqu'en 2013. Il était d'ailleurs très populaire parmi les jeunes conscrits de l'armée israélienne. Depuis son interdiction, les laboratoires ont poussé comme des champignons en Cisjordanie voisine.

Plus d'un Palestinien sur cinquante vit avec une très forte dépendance à la drogue, selon une étude récente de l'Institut national palestinien de la santé publique. Au moins cinq fois plus prendraient de la drogue occasionnellement. Des chiffres largement sous-estimés dans une société où ces questions sont extrêmement taboues.

Aujourd'hui, ce sont les jeunes désœuvrés des camps de réfugiés et des zones B, ces zones sans véritable autorité policière, qui sont touchés de plein fouet.

Ce travail documentaire se veut une autre façon de rendre compte du conflit et de son absurdité, loin de toute considération politique ou morale, dans une approche profondément humaniste.

BIOGRAPHIE

Après une formation de photographe, Romain contracte un Kératocone, une maladie qui déforme progressivement ses cornées. Pendant ces années de maladie, il explore l'intime, au travers de séries introspectives se nourrissant de ses doutes.

En 2009, une transplantation de cornée lui sauve la vue. C'est une libération. Il est alors submergé par une soif de liberté et de l'envie de comprendre le monde. Depuis, Il n’a de cesse de voyager afin de documenter la condition humaine sous tous ces aspects sociaux, économiques et politiques. Pendant 3 ans, il réalise au Sénégal des sujets remarqués notamment sur les chercheurs d’or qui lui vaut plusieurs prix et une exposition à Paris et au Japon.

La même année, son sujet sur les élections au Sénégal sera sélectionné au Prix Bayeux-Calvados des Correspondants de guerre.

Depuis 2014, il mène un travail de fond et au long cours, sur un pays assez peu couvert par la presse française, l’Algérie. S’intéressant principalement à une jeunesse algérienne qui s'ennuie, pris entre le poids d'une histoire qu'elle n'a pas choisi et un avenir qu'elle pense inexistant, Il obtient le prix AFD, le prix Camille Lepage, le prix Roger Pic et le prix Pierre et Alexandra Boulat pour son travail en Algérie. Il est également projeté au festival Visa pour l'image en 2015 et 2016, et plusieurs fois exposé.