Le Prix Jeune Photographe 2018 a été attribué à Valentin Russo pour sa série réalisée en Islande, dans un village de pêcheurs de 200 habitants.

Actuellement étudiant en Beaux-Arts à la Central Saint Martins School de Londres (2015-2019), Valentin Russo explore le village islandais endormi de Stöðvarfjörður, éloigné de tout, plongé dans l’obscurité la moitié de l’année.

Par une écriture poétique et allusive, qui n’exclut pas l’ambition documentaire, il révèle le quotidien des habitants qui se mêle à celui du peuple invisible des elfes et des trolls… Modernité et mythe se confondent, entre histoire et mysticisme, révélés par une obscurité stimulante.

Pendant que tu dors / while you are sleeping Résidence en Islande de janvier à mai 2018. Travail numérique et analogique.

« Diogène cherchait la vérité avec une lanterne; aujourd'hui nous allons la chercher avec des appareils photographiques. Le paradoxe est que la lampe de Diogène diffusait de la lumière sur les choses; l'appareil en revanche, avale cette lumière. » – Joan Fontcuberta.

Tout à l'est de l'Islande, coincé entre deux fjord, rélié par l'unique route N1 qui fait le tour de l'île se tient le village de Stöðvarfjörður, petit village de pêcheurs servant principalement de lieux de ravitaillement sur le circuit touristique de l'île. Pendant que tu dors explore l'activité de cette «sleeping town», plongée dans l'obscurité la moitié de l'année, reculé et ponctué par le manque d'activités. Aux 200 habitants du village vient s'ajouter une autre présence : celle du Huldufólk, le «peuple invisible», les elfes et les trolls qui habitent dans les rochers les montagnes et les rivières. Une croyance toujours ancrée des habitants, au même titre que les esprits et les fantômes . Dans une culture décalé, où modernité et mythes se confronte, où l'invisible côtoie le visible, j'ai voulus documenter ce village où l'homme tente de trouver une place dans un environnement extrême. Entre histoires et mysticisme, obscurité et ennuie.

En hiver, il n'y a pas grand chose à faire – qui ne vous fait pas sortir du lit avant midi. Vous pouvez marcher sans croiser quelqu'un de la journée. Les cycles d'activités semblent être rompus, et les phases de sommeil aussi. La nuit n'est plus un moment seulement dédié au sommeil. Tout comme le paysage couvert de neige, qui semble innocent, dans la nuit plongée dans l'obscurité tout prend une autre signification. La nuit couvre un voile sur toutes choses. La couleur s'efface, on perd nos repères, de temps, d'espace et d'échelle. Toute activité nocturne éveille nos sens altérés. Le noir épais devient une projection de tous nos fantasmes et de toutes nos peurs. Les ténèbres révèlent des histoires et différentes formes de vie humaine, les choses qui sont loin paraissent proches, les choses qui sont grandes semblent petites.

Tout comme un rêve, j'explore une nouvelle façon de définir les choses et les formes dans la vie humaine. Utilisant la lumière dure et les ombres qui se transforment en vides noirs, les scènes et les structures créées par l'homme acquièrent une qualité sculpturale. J'essaie de capturer l'invisible qui ne serait visible que dans l'obscurité, la trace, le sensible, l'inframince. « Pendant que tu dors » pense la nuit non comme le revers du jour mais dans son autonomie : fruit de l'imagination fantasmatique et d'experiences sensorielles, de dilatation du temps et d'épaisseur du néant. L'exploration de la nuit, sa fouille minutieuse devient presque un objet archéologique.

« Pendant que tu dors » est ce moment de léthargie, de lutte avec notre inconscient, de confusion, d'ambiguïté entre la réalité et la fiction
– Valentin Russo

BIOGRAPHIE

Né à Paris, vit et travaille entre Paris et Londres. Préparation à l'ateliers de Sèvres Paris (2014). Actuellement étudiant en Beaux-Arts à la Central Saint Martins School de Londres (2015-2019).

J'aime voir la photographie comme une illusion et une désillusion : l'illusion de pouvoir représenter le réel, et la désillusion de ne pas pouvoir y arriver. Mon approche photographique est dans cette recherche de points de ruptures du réel.

Cela passe par l'expérimentation du processus de création d'une image et de ses limites, en explorant des méthodes plus lentes de création d'image, en créant des distorsions pendant le processus, en utilisant des logiciels de retouche mais aussi en mélangeant la photographie avec d'autres médiums comme le volume.